Dissection de l'ascidie

Les ascidies sont des Urochordés, aussi appelés Tuniciers, un groupe phylogénétiquement très proche des Vertébrés. Tous les Tuniciers sont marins et filtreurs. Ciona robusta est une ascidie solitaire très abondante dans la lagune de Venise entre la fin de l’été et le début de l’automne. Elle caractérise le climax de la succession écologique représentative du substrat dur. Ciona est un organisme modèle facile à maintenir en aquarium. Elle est souvent utilisée pour des études de biologie moléculaire, du développement et d’immunologie.
Les ascidies solitaires adultes ont une forme cylindrique et présentent deux ouvertures. Un siphon inhalant ou oral, et un siphon exhalant ou atrial. La présence de ces deux siphons permet de déterminer un plan de symétrie bilatéral et d’orienter l’animal. On distingue donc une zone ventrale, une zone dorsale, un coté gauche et un côté droit. Les ascidies sont des animaux sessiles. L’adhésion au substrat par la région podiale est assurée par des tubercules. Le corps de Ciona est entouré par une enveloppe semi-transparente, la tunique. Elle est délimitée par une cuticule. La tunique est formée par des cellules dispersées dans une matrice extracellulaire contenant des fibres de collagène et de tunicine, une molécule structurellement et chimiquement proche de la cellulose.
L’observation des organes internes nécessite l’ouverture de l’animal. Disposer l’ascidie sur le flanc droit dans une cuve contenant de l’eau. La fixer en plaçant des épingles dans la zone podiale et au niveau des siphons. Inciser la tunique à l’aide de ciseaux. Procéder de la zone podiale vers le siphon oral. Rabattre et épingler les volets de la tunique. Une paroi musculaire délimite la cavité atriale ou atrium. Dans cette paroi transparente, sont visibles de nombreux faisceaux musculaires. Cette coloration permet de visualiser l’organisation de ces faisceaux, longitudinaux et circulaires, qui permettent les mouvements de l’animal. La contraction musculaire permet également l’ouverture et la fermeture des siphons ou l’expulsion rapide de l’eau de la cavité atriale et branchiale. Sont maintenant visibles a travers la paroi musculaire, le pharynx, l'appareil digestif et la partie terminale de l’appareil reproducteur.
Le pharynx, ou corbeille branchiale, est un organe de grande taille entouré par la cavité atriale. Il occupe une grande partie du volume de l’animal. Il assure deux fonctions vitales de l’animal: la respiration et la nutrition. Le pharynx est un sac de forme allongée percé de centaines de fentes branchiales qui lui donnent l’aspect d’un large panier. Les fentes branchiales sont bordées de cellules ciliées. Le battement continu de ces cils assure la circulation constante d’eau dans le corps de l’animal. L’eau rentre par le siphon oral, traverse le pharynx, passe dans la cavité atriale et sort enfin par le siphon exhalant. Pour observer le pharynx il faut ouvrir la paroi musculaire à l’aide de ciseaux. Couper ensuite longitudinalement le pharynx et l’épingler sur le coté pour en observer la surface interne. Sur le côté ventral du pharynx est maintenant visible l’endostyle, une longue gouttière ciliée qui joue un rôle important dans la prise de nourriture.
L’appareil digestif est divisé en quatre parties: le pharynx, l’œsophage, l’estomac et l’intestin. L’ascidie est un organisme filtreur microphage. Elle se nourrit du plancton en suspension dans l’eau. Le plancton entre et circule dans la cavité du pharynx grâce aux battements des cils présents sur les cellules autour des fentes branchiales. Les particules alimentaires sont piégées par un voile muqueux sécrété par l’endostyle. Elles sont acheminées rapidement vers la gouttière dorsale et ensuite vers l’œsophage. L’œsophage est très court et relie la base du pharynx à l’estomac. L’estomac est relié à un long intestin qui fait une large boucle avant de longer la paroi externe du pharynx. L’intestin se termine par l’anus, à proximité du siphon exhalant. Cet emplacement permet l’évacuation des déchets alimentaires avec le courant d’eau sortant de l’atrium.
Les Urochordés ont un système circulatoire ouvert. Le cœur est situé à proximité de l’estomac. Il a la forme d’un tube replié. En se contractant, le cœur déverse l’hémolymphe incolore dans des lacunes entre les tissus ainsi que dans les vaisseaux de la tunique. De nombreux hémocytes, à rôle immunitaire, sont présents dans les lacunes. Ils sont entraînés par la circulation sanguine. Ce phénomène est ici montré chez une ascidie coloniale où les vaisseaux se ramifient dans la tunique. Chez les ascidies le flux d’hémolymphe s’inverse toutes les unes ou deux minutes. Ce qui a pour effet de répartir uniformément, nutriments et gaz respiratoires au sein de l’organisme.
Chez l’adulte le système nerveux central est situé entre les deux siphons. Il est limité à un ganglion duquel partent de courts nerfs moteurs et sensoriels. Avec le ganglion, la glande neurale, à rôle osmorégulateur, forme le complexe neural. L’ascidie possède des organes sensoriels. Sur le bord externe du siphon oral se trouvent 8 ocelles, des organes pigmentés photosensibles. A l’intérieur du siphon oral se trouve une couronne de tentacules sensoriels. Chaque tentacule est bordé par deux rangées de cellules ciliées qui forment l'organe coronal. Ces cellules mécano-réceptrices déclenchent la fermeture du siphon lorsqu’elles sont stimulées.
Ciona, comme toutes les ascidies, est un animal hermaphrodite. Les gonades sont situées dans la boucle de l'intestin. L’ovaire est de couleur orange pâle et de forme ovale. Il est surmonté par un testicule blanc et ramifié. Les gonoductes sont accolés, et longent la paroi dorsale de l’animal à proximité de l’intestin. L’ouverture de ces gonoductes à proximité du siphon exhalant favorise la dispersion des gamètes.
Le spermiducte, de couleur blanche à cause du sperme qu’il contient, se termine avec une coiffe en forme d’entonnoir de couleur orange. Dans l’oviducte transparent sont visibles les ovocytes. Ils sont entourés d’une membrane vitelline qui renferme également une série de cellules testacées. A l’extérieur, la membrane vitelline est entourée par deux couches de cellules folliculaires: externes et internes. Les cellules folliculaires internes vacuolisées s’expandent et forment une couronne radié qui favorise la flottaison des œufs.
La fécondation est externe. Elle induit la segmentation de l’œuf et le début du développement embryonnaire. Le développement est indirect et l’éclosion va libérer une larve qui a la forme d’un têtard, avec une région troncale et une région caudale. Dans la région troncale sont présents les viscères ainsi qu’une vésicule cérébrale. Celle-ci contient un ocelle sensible à la lumière et un statocyste pour l’orientation dans l’espace. Les organes sensoriels dans leur ensemble, permettent à la larve de choisir un substrat convenable pour se fixer. Dans la région caudale est visible la notocorde surmontée du tube nerveux dorsal. La queue a une fonction motrice. Elle contient des muscles pour la propulsion. Dans la queue, la tunique forme une nageoire dorsale et une nageoire ventrale continue. Les larves ont une durée de vie courte et ne restent planctoniques qu’au maximum deux jours après l’éclosion.
La larve présente également à l’extrémité antérieure trois papilles adhésives (deux dorsales et une ventrale) qui lui permettent l'attachement au substrat et le déclenchement de la métamorphose. En quelques minutes, la notocorde et toute la partie caudale de la larve se résorbent suite à la contraction de l’épiderme de la queue.
Un pédoncule de fixation au substrat se forme sous le corps de l'animal. Les organes du tube digestif et les axes du corps subissent une rotation qui dure entre un et deux jours. En quelques heures, pendant cette rotation, s’ouvrent le siphon oral et deux siphons exhalants. L’animal commence à filtrer et se nourrir. Environ 8 à 10 jours plus tard, ces deux siphons fusionnent pour former un unique siphon exhalant sur le coté de l'animal. Pendant la métamorphose, on observe une augmentation constante du nombre de fentes branchiales. Le pédoncule de fixation se réduit suite à la croissance de l’organisme. L'animal atteint ainsi le stade adulte, il lui faudra encore deux ou trois mois pour atteindre la maturité sexuelle.
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